Je m’appelle Paul et je suis originaire d’une petite ville de l’Abitibi, Senneterre. J’ai grandi avec ma famille, mes parents et mes 8 frères et sœurs. À la mort de mon père quand j’avais 6 ans, nous déménageons dans la communauté de Lac Simon près de Val-d’Or, dans la nation Anishnabe.

Dans cette communauté, je vois et je vis beaucoup de violence. Les vengeances entre familles et la violence sont très présente durant toute mon enfance. Moi-même, je suis frappé par ma mère et abusé par un homme à mon adolescence. C’est à cette période de ma vie que je commence à faire des petits délits. Je vole et fais la fête aux alentours de ma communauté. J’étais le meilleur délinquant!

Je vais à l’école secondaire La Porte-du-Nord à Chibougamau et je fais le programme de formation axée sur l’emploi. J’y apprends des métiers de mécaniciens, de soudeurs et autres travails manuels. J’aime beaucoup ça parce qu’en plus d’apprendre, je vis dans une famille blanche. C’est sûr que ça me fais du bien, aller chez des inconnus comme des québécois pour aller à l’école. Ça me permet de prendre une pause de toutes les tâches et de toutes les difficultés vécues avec ma mère.

Je décide de quitter Lac Simon vers 20 ans. J’en ai assez de me faire maltraiter et, à cause des vols et des autres infractions, j’ai l’impression que je ne suis plus apprécié par les membres de ma communauté. Je pars vers Montréal, même si j’ai entendu dire que c’était dangereux. Au début, je vis chez un cousin à moi, mais ce n’est pas facile pour moi de quitter le mode de vie dans lequel j’étais depuis plusieurs années. Je continue à faire des petits délits ici et là. J’étais encore jeune quand je rencontre mon ex-femme avec qui j’ai des enfants. Mais, à cause de notre relation difficile et de mes allers-retours en prison, je ne peux pas rester avec eux. Je suis trop délinquant, pas assez responsable, ma vie c’était le bordel. Je sais aussi que je ne retournerai jamais à Lac Simon. Je ne veux pas revivre les événements du passé et surtout, je ne veux pas risquer de faire du mal à qui que ce soit. J’ai plusieurs amis qui ont connu à peu près le même parcours que moi qui se sont suicidé. Retourner dans l’environnement de ma communauté, ça me rappellerais tous ses souvenirs, et ce n’est pas quelque chose que je souhaite.

J’ai commencé à entendre parler de PAQ en 2004, avant même que le refuge ouvre. Des travailleurs du YMCA m’ont informé qu’un refuge juste pour les Autochtones allait bientôt ouvrir ses portes. Au départ, je n’étais pas très intéressé à y aller parce que j’étais encore dans ma bulle, ma vie de délinquance. Mais, quand je commence à fréquenter le refuge, j’aime que ce soit seulement pour les Autochtones, je me sens en sécurité et je suis fier de mon peuple. Quand PAQ a ouvert, j’ai senti cette générosité-là, la gentillesse, cette aide-là.  Mais ce n’est pas toujours facile de respecter les mesures et les règlements de PAQ.

PAQ m’a beaucoup aidé. Depuis environ cinq ans, j’ai arrêté de boire. En plus, venir chez PAQ m’a permis de sortir de ma bulle, et ce n’est pas facile. Je considère quand même qu’il me reste encore du chemin à faire. Les intervenants et les travailleurs sociaux m’ont accompagné dans mon parcours pour améliorer certains aspects de ma vie. Ce que j’aime particulièrement, c’est que PAQ, c’est une communauté, tout le monde se connaît. PAQ aide aussi les personnes autochtones à retrouver une identité et avoir une source de chaleur humaine. Ça m’a beaucoup aidé, ça a donné un sens à ma vie, avoir de la lumière dans ma vie, dans mon jardin.

Moi, j’ai un objectif clair que souhaiterait accomplir : atteindre la sagesse. Grâce aux enseignements de ma mère, je suis très connecté avec la spiritualité et c’est quelque chose dont je suis fier. Pour moi, la sagesse, c’est quelque chose de grand et de fort, c’est un sentiment d’accomplissement et de fierté. Je parle souvent au ciel, au créateur et cette spiritualité me donne plus de persévérance pour accomplir ma vie. Je suis aussi très connecté avec la nature et il c’est important pour moi de voir la vie avec nos vrais yeux. Avec tes yeux, si tu es capable de voir la vraie vie, le cadeau que nous a donné la vie, la nature, la lumière, le vent, tout ce que tu vois, comme les Autochtones dans le temps. Mais je suis très fier de moi, même si je n’ai pas encore atteint la sagesse. J’ai mon propre appartement, je suis brigadier de la propreté pour PAQ et je suis grand-papa et ça, j’en suis fier.

J’ai plusieurs souhaits pour la communauté autochtone de Montréal et pour les participants de PAQ. J’aimerais que les personnes qui utilisent le refuge soient plus mature, plus sage. Pour y arriver, il serait utile selon moi d’avoir un aîné qui pourrait donner de l’amour à toutes ces personnes. C’est important que les résidents ici aient un modèle de leur culture, de leur passé. C’est très important pour moi et c’est ça que je souhaite pour eux autres. Je voudrais aussi que les Autochtones aient une deuxième chance et qu’ils se donnent à eux même une deuxième chance. J’aimerais plus de respect, mais surtout que les Autochtones retrouvent leurs identités et un sentiment de fierté.